C’est en 1983, sur des indications de Madame LANCE, Clamartoise, et de Monsieur MARTIN, Châtillonnais, que nous apprenons l’existence d’un treuil de carrière, perdu dans la végétation, entre les rues Lasègue et Ampère. Après de fastidieuses recherches et enquête de voisinage, Mademoiselle PETER, Châtillonnaise, retrouve le propriétaire actuel, Monsieur AUBOIN-VERMOREL, lequel est un descendant de l’exploitant carrier.
Le treuil de carrière de Châtillon est en quelque sorte un miraculé. En effet, le carrier Monsieur AUBOIN, étant propriétaire du terrain, ne fut pas soumis à la même obligation que ses confrères, c’est à dire rendre le terrain propre à la culture à la fin de l’exploitation en comblant le puits avec les maçonneries du treuil.
En raison de l’importance de cette découverte, ce treuil étant le dernier digne de ce nom en région parisienne, nous avons proposé au propriétaire un projet de restauration afin de mettre en valeur et de faire revivre ce patrimoine industriel méconnu.
La première visite du treuil a lieu en septembre 1983. Les deux maçonneries principales étaient envahies par le lierre et la végétation. Le puits n’était protégé que par un grillage en mauvais état et quelques morceaux de bois. L’ensemble de la forme était recouvert de terre sur laquelle poussaient des arbres. De nombreux bidons rouilles, des pièces métalliques diverses et des déblais de démolition recouvraient le manège dont on ne soupçonnait pas l’existence. Les deux petites piles et la charpente en bois avaient disparu. Le puits n’était accessible que sur 25 mètres, les dix derniers mètres étant remplis de détritus divers plus ou moins concrétionnés par une arrivée d’eau située à environ 5 mètres de la surface.
Dès le mois de mai 1984 commence le débroussaillage des maçonneries principales. Les arbres trop proches sont enlevés. Le projet de réhabilitation est mis au point fixant les tranches de travaux et les dépenses nécessaires. L’inscription du chantier au sein de l’Union R.E.M.P.ART. nous a aidé dans nos démarches administratives.
Pour des raisons de sécurité le puits est recouvert d’un platelage en bois formé de madriers et de planches. Des travaux de déblaiement mettent en évidence une partie de la forme et le manège. Les terres dégagées servent à consolider le côté sud du puits, un mur en pierres sèches maintenant l’ensemble. De nombreux détritus sont évacués du site grâce aux bennes métalliques mobiles mises à notre disposition par la Ville de Châtillon.
Plusieurs rangs supérieurs de moellons des deux piles du treuil sont fragilisés par des racines de lierre. Les pierres sont démontées, nettoyées puis remises en place en utilisant un mortier formé de sable, de chaux et de ciment blanc. Plus résistant aux intempéries, ce mortier est d’une couleur proche de celle du plâtre d’origine. Le plâtre gros que l’on trouve aujourd’hui n’a plus les mêmes caractéristiques que le plâtre de construction de la fin du 19ème siècle.
Les travaux de reconstruction des deux piles du manège ont nécessité la récupération de 12 mètres cube de moellons. Grâce à l’intervention de Madame LANCE auprès de la Ville de Clamart nous avons pu les récupérer sur un chantier de démolition. Ces pierres sont de même couleur et de même structure que celles du treuil.
La pile sud du manège était inexistante. Une fouille minutieuse permet de mettre en évidence quelques morceaux de plâtre ainsi qu’un trou de dix centimètres de côté laissé par le gabarit qui servit à sa construction. Ces traces sont suffisantes pour la localiser avec précision.
Deux rangs de pierres de la pile nord étaient encore en place. Elle reposait directement sur la forme dallée.
Les fondations de la pile sud sont réalisées sur un petit radier en même temps qu’un escalier de 6 marches qui facilite l’accès au sol naturel en contrebas.
Les piles sud et nord du manège sont élevées selon une méthode probablement proche de celles utilisée lors de la construction originelle. Un gabarit de bois formé de deux mâts de 4,50 mètres est planté dans le sol de chaque côté des fondations. Quatre ficelles sont tendues aux angles de deux cadres en bois situés respectivement en haut et en bas ce qui permet d’aligner parfaitement les lits de pierres.
Les poutres en chêne destinées à soutenir les parties mécaniques du manège sont mises en place. La plus grosse, mesurant 8,50 mètres de long pour un poids de 400 kilos, est hissée sur les deux piles à l’aide de palans fixés sur des potences le long des piles. Deux jambes de force sont installées dans les réservations prévues à cet effet dans les maçonneries. Les deux poutres, de 6 mètres de longueur, reliant la poutre principale au massif ouest du treuil sont montées de la même manière. Les bois sont traités contre les moisissures, les insectes et les intempéries.
L’opération la plus délicate est le démontage des engrenages, ces pièces étant de masse importante. L’axe du tambour, muni de deux paliers grippés, de trois cerclages et de la roue dentée, pesait 800 kilos. Le grand engrenage pèse à lui seul 530 kilos. Quant à l’ensemble constitué de l’axe secondaire avec pignon, poulie de freinage et deux paliers, il pèse 500 kilos.
Un portique, constitué de deux poutres IPN en croix posées sur trois poutrelles triangulées, est boulonné sur les parties restaurées des maçonneries. La principale difficulté est de hisser la poutrelle métallique de 120 kilos à deux mètres au dessus du treuil.
Les 50 mètres de câble d’acier rouillé sont démontés premier. Puis l’axe du tambour est descendu. Etant dans l’impossibilité de désolidariser le grand engrenage du pignon de l’axe secondaire, les deux pièces étant soudées par la rouille, l’ensemble est descendu d’un bloc et déposé sur le platelage. Par la suite, ils seront séparés par l’action conjuguée de la chaleur et de produits dégrippants.
L’axe du tambour, carré de 10 centimètres de côté, était plié à 30 degrés suite à un feu de broussailles qui enflamma le tambour en bois. Il est redressé à froid par une entreprise spécialisée qui remet également en état les paliers. L’axe secondaire et la poulie de freinage sont remis en place sur les éléments de la charpente, puis les maçonneries complétées.
La partie affaissée de la forme à l’angle Nord-Est a été reconstruite. Les dalles ont été retirées avec un treuil à manivelle de carrier, appelé "mécanique", puis remises en place en les roulant sur un chemin de bois après avoir reconstruit le mur en pierre sèches.
La principale réalisation est la reconstruction du tambour du treuil. Celle-ci est l’objet d’une étude approfondie étant donné qu’il ne reste que les parties métalliques. Les photographies prises en 1934 par Monsieur PONTACQ nous montrent que le tambour était formé d’un tronc plein. La difficulté de la reconstitution aurait été de percer un trou carré de 10 centimètres de côté au centre d’un arbre de 60 centimètres de diamètre et de 3,65 mètres de longueur.
La solution retenue consiste à assembler autour de l’axe quatre pièces de bois rectangulaires ayant un pan coupé à 45 degrés de manière à former l’ébauche du cylindre. Une fois assemblé, le tambour est travaillé pour lui donner sa forme cylindrique finale.
Les cerclages d’origine et le nouveau cerclage octogonal , côté engrenage, sont remis en place à chaud. Le grand engrenage est ensuite encastré à sa place sur le tambour et immobilisé, comme à l’origine, par une série d’aiguilles plates de 10 à 40 centimètres de longueur.
Il ne reste plus qu’à le remonter en haut du treuil. Pour cette opération il faut réinstaller le portique qui servit à le descendre, mais cette fois le portique métallique doit être hissé à 2,50 mètres au-dessus du treuil pour permettre au tambour de pivoter lors de sa mise en place L’ensemble, pesant plus de 2 tonnes, est remis en place le 1er septembre 1990.
Les pièces mécaniques manquantes du manège sont provisoirement réalisées en bois ce qui permis aux 1500 visiteurs de la Journée Portes ouvertes des Monuments Historiques de voir tourner le treuil.
Avant de s’attaquer à la restauration du manège proprement dite, le travail le plus urgent est de réaliser les plans de chaque pièce manquante. Il s’agit principalement des deux engrenages à renvoie d’angle, des deux arbres de transmission, de trois paliers, d’une crapaudine, du système d’attelage du cheval et de nombreuses autres pièces d’assemblage. La fabrication et la mise à disposition de certaines de ces pièces nécessitant plusieurs mois, la commande est passée auprès de plusieurs entreprises du nord et du sud de la France, notamment une fonderie pour la réalisation des engrenages à renvoi d’angle et d’une forge.
En parallèle, un atelier-remise est construit par les bénévoles. Celui-ci, destiné au stockage du matériel, sera amené à remplacer certaines cabanes vétustés après leur démolition.
Une cabane de jardinier adossée contre la face Sud de la forme est démontée. Le mur en pierre maintenant apparent est consolidé en mettant des blocs dans les cavités.
Les pièces mécaniques commandées sont reçues au mois d’aout et installées :
- Roue et pignon de l’engrenage conique
- Barres de transmission horizontale et verticale
- Partie fixe du manchon de couplage et la fourche de manœuvre
- Crapaudine supportant l’axe verticale
- 3 paliers bronze
- Arceau, manchon de fixation et tirant du manège
- Clavettes, colliers de positionnement
La partie Est de la forme est restaurée ainsi que le dallage du manège. La restauration du manège se révèle être une tâche difficile. Ceci est principalement dû au poids de la plupart des pièces qui pèsent entre 40 et 150 kg.
Le 10 octobre 1992, le treuil fut inauguré en présence du propriétaire Mr AUBOIN-VERMOREL et de sa famille, de Mr FOUCHER député-Maire de Clamart, de Mr HINDRE, adjoint au maire de Châtillon pour la culture, des membres de l’association et de nombreux invités.
Pour la première fois depuis la fin de l’exploitation de la carrière, un cheval actionnait le manège et remontait un bloc de pierre.
- Photo de gauche : de gauche à droite : Mr FOUCHER, Mr AUBOIN-VERMOREL, Mr HINDRE.
- Photo de droite : Géronimo au manège.
L’année 1992 est marquée par deux autres évènements d’importance :
- L’inscription du Treuil de carrière de Châtillon à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.
- L’obtention du Grand Prix du Patrimoine des Hauts-de-Seine.
Ceux-ci viennent récompenser les dix années d’effort consacrées par les bénévoles à la restauration du treuil.